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Basilicate en Fiat, escale à Matera -

Retour sur les aventures dans le Sud de la Botte -

Nous traversions les Pouilles à quatre dans la Fiat 500 (la tchinquouétchento - je dois reconnaitre que plus ma vie prenait des allures de film de Woody Allen en Italie, plus j'étais satisfaite). Cecilia, ses parents Nicoletta et Giovanni, et moi, l'invitée de dernière minute. J'étais profondément reconnaissante à la famille de ma colocataire, que je connaissais depuis deux jours, de m'emmener avec eux in giro dans les Pouilles. Au cours d'une de nos virées, j'eu la chance de découvrir la cité de Matera, et à présent il convient de tirer un petit récit de cet interlude magique.

Le matin du 2 septembre an de grâce 2016 (nous étions à l'époque, encore sous la présidence d'Obama), je me réveillais à Castellanetta Marina. Dehors, il faisait déjà agréablement chaud, mais pas la chaleur écrasante du mois d'août. Je descendais timidement et retrouvais la famille italienne à la table du petit déjeuner. Giovanni lisait le journal, le pliait et le dépliait minutieusement quand il voulait changer de page, et ses yeux bleu glacier glissaient d'un bout à l'autre du papier, les phrases semblaient interminables. La veille, Toti, capitaine légendaire de l'AS ROMA avait prit sa retraite, et il avait fait une lettre d'adieux touchante: "Roma per me è il mondo" (Rome pour moi, c'est le monde).

Je pris la collazione, du pain, de la ricotta et de la confiture accompagnés de caffé, et puis je montais à l'arrière de la petite Fiat et nous disparûmes dans un nuage de poussière. J'apercevais quelques hommes basanés en vélo sur le bord de l'autoroute, des sacs plastiques pleins de figues de barbarie des deux cotés du guidon. Au loin on devinait des villages décorant des collines, Après avoir longé des champs d'oliviers le long de routes terreuses et poussiéreuses pendant des kilomètres, nous arrivâmes à Matera.

Première vue de Matera - une des plus vieilles cités d'Europe, la ville Troglodyte.

Mariage, jet de grain de riz, costume tallons aiguille et petite vespa turquoise du Duomo de Matera -

Le couvent de Saint-Augustin perché sur sa falaise, accroché et creusé dans la pierre, j'adore quand les falaises continuent en monastères -

Matera -

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Voilà les informations que je reçus sur place par le savant Giovanni. Après la seconde guerre mondiale, les socialistes italiens ne voulaient pas envoyer l'armée en Afrique. Tel fut leur raisonnement "Dans le Sud de l'Italie, les nôtres vivent dans la même pauvreté, ils sont notre priorité." Ils n'avaient pas vraiment tort, et dans les années 50, les habitants de Matera vivaient encore dans leur troglodytes organisés autour d'une pièce centrale, avec leurs ânes, leurs poules et leurs chiens qui dormaient tous dans cette pièce centrale. Les taux d'alphabétisations à l'époque avoisinaient le taux d'analphabétisme aujourd'hui. En d'autres termes, personne n'allait à l'école, les habitants étaient méprisés et l'on considérait qu'ils vivaient comme des sauvages.

A Matera, il y eut d'abord trop de rats, puis trop de chats (importés pour chasser les rats), puis trop de chiens (importés pour chasser les chats). Les gens vivaient mal, dans l'extrême pauvreté du Mezzogiorno. Il y avait peu d'eau, et pas encore de pesticides, les arbres fruitiers ne rapportaient que 2-3 kilos par saison, il n'y avait que des olives, rien que de l'huile d'olive, forte et piquante, tout tournait autour de l'huile. Tout tournait autour de l'huile d'olive.

Avec les lois De Gasperi en 1952, les habitants de Matera furent obligés de quitter leurs Sassi (troglodytes) jugés archaïques, et les populations furent déplacées dans un environnement plus moderne.

Matera, la ville de pierre creusée, une des plus anciennes cités habitées d'Europe (depuis le paléolithique), est aujourd'hui en reconstruction, elle sera même capitale européenne de la culture 2019, alors elle bénéficie de subventions européennes, et tout est en travaux après de longues années d'abandon. Matera fut une cité grecque, puis une cité romaine, elle servit de refuge à des moines byzantins aux VII et VIIIièmes siècles, recouvrant les parois des troglodytes de peintures byzantines. C'est beau.

La ville, une Eglise au bord de la falaise et au dessus des ombres des constructions qui se détachent dans la vallée, on peut apercevoir des centaines de grottes d'ermites -

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Notes/impressions sur la ville:

Les murs sont blancs et beiges, les gouttières en terre cuite ou en pierre délavée, il n'y a quasiment que des vieilles portes en bois, absolument aucune symétrie dans les maisons qui semblent avoir été construites au fur et à mesure de quelque chose. C'est un mini Cuzco, on sent l'âme des vieux villages espagnols.

Les toits sont faits de tuiles arrondies, des enchevêtrements de cheminées qui se fraient un passage vers le sommet des maisons, les escaliers étroits et irréguliers suivent les formes biscornues des rues et des troglodytes, selon les étages, les toits servent de rue, les terrasses de place communale, les murets de pots de fleurs à cactus. Le linge blanc flotte entre les maisons blanche, survole les petits palmiers pointus.

Depuis les hauteurs, la cité ressemble à un labyrinthe foisonnant, et on peut apercevoir quelques rues tout en bas qui laissent passer les voitures, toutes les autres sont piétonnes. Les habitant montent des bidons d'eau à pied, ou à dos d'âne. Il y a sans cesse plus de clochers, de fils électriques, de murets et de terrassements, des belvédères penchés et tous ces troglodytes.

Les rues sont petites alors les voix portent bien, elles remontent les rues tortueuses et se font messagères des passants qui arrivent. Les gens se parlent de fenêtre à fenêtre. Il y a des hirondelles partout. Et presque pas de touristes en Septembre. A l'entrée de la ville, il y avait un cimetière de vieux tracteurs Fiat, des squelettes rouillés, des engins avec de vieux designs.

J'aime bien les basiliques à flanc de montagne, les Eglises sous terre sous les églises sous terre qui préservent des fresques byzantines. Un chef d'oeuvre de l'architecture en négatif.

Il nous faut prendre des petits escaliers pour arriver devant un monastère, avec ses cryptes et ses sous-terrains. Il y a une exposition de sculptures modernes en ciment, pour une fois que l'art moderne se fond parfaitement dans le paysage. Ces statues représentent des figures de la mythologie grecque et romaine, d'un point de vue féministe, presque modeste et doux. Sur les escaliers, je confonds les fissures avec la course des lézards. Il fait chaud, mais ce n'est pas insoutenable.

C'est magnifique, l'endroit parfait pour commencer une longue marche. Le ciel se délave et rosit, les collines en face son toutes jaunes, Nicoletta et Giovanni nous invitent à dîner à la terrasse panoramique du Baccus, un bon restaurant. En face de nous, une tablée de personnes âgées qui semblent passer un excellent moment. Des mémés minuscules et apprêtées, mise en plie et maquillage, ils semblent se connaître tous de longue date. En réalité, c'est un Papi à chemise blanche et une dizaine de vieilles dames, qui rient aux éclats et boivent du vin en allumant des vogues. Je les regarde en mangeant mes Orechiette alla Cime di Rapa.

La nuit, on dirait une petite crèche illuminée, merci l'iPhone qui nous laisse apercevoir deux ou trois étoiles dans le ciel, en vrai il y en avait tellement plus -

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