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Viens voir Venise -

C’est formidable de penser que je remettais à plus tard ne serait-ce que le temps de rêver de cette ville, et voilà que je découvre ses merveilles presque par surprise. Le train traverse la lagune, un train qui ralentit au bord de la mer toute calme. Je vais voir Venise ! L'arrivée à la Gare de Santa Lucia est aussi spectaculaire que le promettaient les murmures des voyageurs -

Ligne de train le soir.

A la gare, je retrouve une amie. Il faudra se trouver, comme avant les téléphones portables, parce qu'on ne pourra pas s'appeler, c'est génial. Son dernier message: "Attends moi au bout du quai".

Les rails de train au loin, quai, bouées, pontons, poteaux, lampadaires <3

"Attends moi au bout du quai" - si ce n'est pas magique comme formulation. Les quais, ils sont face aux rails, ou face à la mer, finalement, on se croise par hasard au milieu de la gare.

C'est le premier soir à Venise, et ce sont des retrouvailles. Nous faisons exprès de nous perdre, évitons ce qui reste de touristes, et surprenamment ce n'est pas si difficile faire des centaines de mètres dans le labyrinthe vénitien sans croiser personne.

Alors on peut se retrouver et découvrir, et commencer à déambuler dans Venise qui se vide de ses touristes, on peut se poser sur de vastes places quasiment désertes, se perdre dans le dédale d'allées et de rues étroites, qui résonnent de l'écho feutré de nos pas. On peut s'asseoir sur les volées de marches en marbre blanc abîmé qui se brouillent et disparaissent dans l'eau des canaux. On passe sur les petits ponts qui relient les îlots, et on passe sous des porches, en suivant les flèches stylisées "Per San Marco" et "Per Rialto" qui apparaissent et disparaissent, un peu comme des clins d'oeil ou des regards que l'on croise dans une foule, de ceux qui font deviner un sourire.

Les formes des coupoles dessinent des silhouettes de villes orientales. On ne voit presque pas les mâts des voiliers dans le port.

La lumière du soir qui s'élève est trop belle, elle ressemble à un tableau que je connais de Venise. D’abord, le rose pâle du ciel qui jaunit, le soir explose, et le soleil rougit, puis c’est tout le ciel qui le suit et qui sombre dans un bleu qui n’a de cesse de noircir. Sans suivre de partition la ville s’allume, les lampadaires se réverbèrent pailletant le Grand Canal, les lumières des bateaux tracent des sillons vacillants au gré des vagues, les premières étoiles viennent picoter la Nuit.

Si on s'allonge au bord du grand canal et qu'on ferme les yeux, on entend le vent entre les voiliers, les driss contre les mâts, les moteurs des vaporettos, le vol des mouettes. Le clapotis de l'eau contre l'accastillage des bateaux. Et entre les îles, la lagune est plus calme et silencieuse, le rythme de l'eau totalement différent, aussi très agréable.

Lumière du soir, vu depuis le Palazzo Mora <3

Le voilà donc ce soir vénitien, gondoles et gondoliers, palais aux portes qui s'ouvrent vraiment sur la mer, des portes à seuil de mer !

***

Alors, avant d'aller me coucher, et avant de dormir je pense à ces mots lus dans Fable de Venise de Hugo Pratt -

"La guerre prit fin. Depuis je vais, je viens à travers le monde, presque sans but. Mais je finis toujours par revenir à Venise. Je me promène dans ses ruelles, je traverse les canaux, je m'arrête sur les ponts et je m'aperçois que, sur les rives, il n'y a plus ces crabes qui, l'après-midi, paressaient au soleil. Ils ont disparu depuis longtemps. Je cherche les endroits que j'ai connus enfant, mais souvent je ne les reconnais pas. "L'escalier fou" n'existe plus et Mme Bora Levi n'est plus là non plus. Les fenêtres de sa maison sont murées, les lieux ont changé. On ne sait pas quoi répondre à mes questions. Des jeunes qui ne savent pas, ou des vieux qui ne veulent pas se souvenir."

Il faudra encore raconter Venise -

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