Firenze, la manifestation contre le Référendum
- Isabel DEL REAL
- 5 oct. 2016
- 3 min de lecture
Premier soir à Firenze, après avoir chillé paisiblement dans l'Auberge de Jeunesse, je sors et me retrouve (par hasard, après m'être perdue) nez à nez avec une procession de manifestants, ils chantent Bella Ciao, crient leurs slogans en choeur, et diffusent des musiques enthousiasmantes. Je décide de les suivre, c'est l'occasion de comprendre la fameuse réforme constitutionnelle, ou simplement (parce que j'ai toujours pas compris) d'avoir un point de vue différent de celui des enseignant de mon université.
Recap de la situation institutionnelle italienne: non je plaisante, juste en quelques mots, Matteo Renzi (chef du Gouvernement, issu du centre gauche, Parti démocrate) a proposé une réforme constitutionnelle modifiant une grande partie de la constitution de 1948.
La réforme constitutionnelle a été approuvée par le Parlement en avril 2016, elle sera soumise à un référendum constitutionnel le 4 décembre 2016. Son principal objectif est de mettre fin au bicaméralisme parfait qui paralyse le système. Le Sénat de la République se transformerait ainsi en un "Sénat des Régions".
Camp du Oui: D'aucuns considèrent que le système politique italien est "mal organisé" et "inefficient". Sévère mais juste. La réforme constitutionnelle est nécessaire, et même si elle n'est pas parfaite, il faut absolument changer quelque chose dans le système italien.
Camp du non: Certains estiment qu'une réforme est certes nécessaire, mais ne sont pas prêts à l'accepter sous cette forme. Beaucoup sont contre la politique menée par Matteo Renzi et trouvent que cette réforme attaque directement la démocratie. Beaucoup dénoncent aussi le fait que la constitution se complique, qu'elle ne soit plus compréhensible (les nouveaux articles seraient peu clairs, et impossibles à comprendre): ils reprochent une forme d'élitisme à la réforme, une forme de technocratie, de confirmation de l'establishment.
Funfact: Matteo Renzi s'est attaché personnellement à l'issue de ce référendum. Il a laissé entendre que si le NON passait, il quitterait ses fonctions. C'est un peu risquer de transformer le référendum en "Pour Renzi" ou "Contre Renzi". Lol. Funfact.
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Entre Louis Vuitton et la Deutsche Bank, un manifestant (avec sa cape drapeau italien) brandit une affiche "La constitution au service d'un seul est une dictature", on remarquera une chic photo de Matteo Renzi, moustache et mèche évocatrices.
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Face au Palazzo Strozzi, Piazza degli Strozzi, les manifestants s'arrêtent, une petite estrade a été montée, une sénatrice du Movimento 5 Stelle, Laura Bottici, va parler. Sur les murs, des Zodiacs ont été accrochés par Ai Wei Wei. Des canaux de sauvetage.
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Je m'en vais discuter avec les manifestants, pour essayer de comprendre leur point de vue, me faire une idée de qui est là. Personne n'est vraiment en mesure de me donner une explication claire sur le référendum et les conséquences, mais certaines phrases restent marquantes.
Massimo, ancien maréchal dans l'armée israélienne, ne se revendique d'aucun parti. Je lui demande pourquoi il est venu. "Nous sommes populistes. La politique, c'est du populisme. Tu vois, tu peux reconnaître le mot popolo, le peuple, la démocratie est au peuple, alors si tu veux, je ne suis pas populiste, je suis réaliste. J'aime ma constitution. Et si je manifeste aujourd'hui, c'est pour mes enfants et mes petits enfants, parce que mon temps est déjà passé".
Les italiens sont ils contre la stabilité en politique? Une femme me répond que "nous les italiens, nous ne sommes pas contre la stabilité. Mais bon la stabilité, ça nous fait penser au passé, et ça renvoie à Mussolini. Alors nous ne sommes pas très fan de ce que la stabilité peut impliquer".
Un jeune étudiant en droit me prend sous son aile et essaie de m'expliquer: "Tu vois ce soir, il y a un peu de tout, c'est transversal, des Grillini (du Movimento 5 Stelle de Beppe Grillo), mais aussi plein de gens qui sont venus de façon indépendante. Ils ont peur que la révision constitutionnelle détruise le pacte social. Ils ont peur d'être moins bien représenté par le nouveau mode de fonctionnement du Sénat. Ils ne comprennent pas beaucoup d'articles de la proposition de réforme. Cette réforme recentrera le pouvoir dans les mains de peu de personnes."

Ai Weiwei les yeux écarquillés, des lampadaires ouvragés, des manifestants et leurs Tshirts #JeDisNon.
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En tout cas, c'est toujours intéressant d'aller parler directement aux gens, même si je n'ai pas encore compris tous les enjeux de la situation, il va falloir se pencher sur le problème. Suite au prochain épisode.
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