top of page

Voir Naples puis mourir ? - Un soir dans les rues napolitaines

Vedi Napoli e poi morire, Voir Naples et mourir, dicton napolitain signifiant que leur ville est si belle qu’une fois qu’on l’a vue, on peut monter au ciel en toute quiétude. De Naples je n’attendais rien, sinon le dépaysement du voyage, qui commence dès lors que nous quittons un lieu connu.

Impression de rue

Ce soir, je suis assise sur une statue qui sert de banc dans les vieux quartiers de Naples, et peut être que la vie ressemble à celle du Trastevere romain d’il y a une cinquantaine d’années. L’esprit romain en moins, l’esprit napolitain en plus. Le bruit des conversations de rue s’élève dans le ciel et murmure à la nuit italienne qui n’est ni bleue ni noire. Le ciel s'assombrissant descend du Vésuve et s’allonge sur la ville. Et enfin, il fait Nuit à Naples.

Naples, dont le désordre est si confortable. Certes, les rues sont jonchées de déchets, de tickets de caisse, de publicités aux couleurs fluorescentes, de journaux déchirés, de serviettes en papier. Partout des mégots de cigarettes viennent consteller les pavés. Les poubelles débordent. Ici, jeter un emballage dans un rayon de 2m autour de la benne à ordure équivaut presque à s’encarter chez Greenpeace, tant c’est une prise de conscience écologique. Personne ne semble s'en émouvoir et s'offusquer. Tout va bien.

Naples, dont l'harmonie nait de la cacophonie des klaxons de taxis, des trajectoires alambiquées des essaims de scooters, des éclats de rire et de l'équilibre fragile de l'éclairage de ses rues le soir. Naples, dont les rues noires de monde s'alternent avec des rues vides dans l'ombre. Mais les rues ne sont pas vides longtemps. Le calme des allées tangue au rythme des apparitions et disparitions des phares de Vespa, du bruit du petit moteur qui accélère et ralentit aux carrefours.

Naples, où le dédale des rues est si beau. Il y a les couleurs et les décoration des façades, du rose pastel au rouge vif, en passant par l’ocre et le vert olive, le plâtre appliqué à l’arrache pour boucher les trous, le gris pour l'encadrure des fenêtre, le jaune parfois. Il y a les balcons de toutes les formes et leurs barreaux verticaux, les ombres chinoises derrière les hautes fenêtres. Il y a les parasols des terrasses sur les toits, les palmiers, les immeubles qui suivent la courbe des rues. Et le Vésuve qui veille sur sa ville. C'est bon de s'y balader.

Partout dans les rues étroites des graffitis, des fils électriques que l'on ne pourrait plus démêler, des files de motos et de Vespas garées comme on peut. Partout des magasins de meubles, des luthiers, des antiquaires, l’odeur de la sciure de bois qui se mélange aux odeurs des cuisines, aux bruits de couverts que l’on pose sur une table napée. Bien sur que le linge sèche étendu aux fenêtres.

***

Les napolitains conjuguent tout à l'imparfait de la perfection, et ils le savent. En terrasse, dans les cafés, dans les magasins, dans les librairies et même dans le métro, tout le monde fume, comme on fumait peut être dans la France des années 70. Le tableau est magnifique, grouillant de vie. J'aime l'ambiance et les gens.

Les carabinieri – policiers – se promènent allègrement, se baladent sans jamais patrouiller, cendrent négligemment leurs cigarettes sur les trottoirs, vont par deux ou par trois en marchant très vite, toujours absorbés dans ce qui semble être la discussion la plus importante du monde (!) et de fait gesticulant ou pilant net au milieu de la rue quand il s’agit de marquer l’importance d’une phrase. Ils portent des collants bleus avec une rayure blanche ou rouge, des bottes qui montent jusqu'aux genoux, et des polos décorés de tas d'insignes brillantes de toutes sortes, brodés de symboles et surchargés d'écritures. L'uniforme est sublimé par des casquettes à visières, ou si on a de la chance, des petits casques en plastique blanc.

Les passants aussi marchent vite dans ces ruelles éclairées par la lumière orange des lampadaires, avec des piles de pizza dans les mains, qu’ils ramènent chez eux ou mangent sur une volée de marches au pied d’une Eglise, qu’ils partagent sur une piazzetta.

***

Naples donc, où il nous est donné d’apprécier la culture du Soir qui se mêle à la Nuit dans les villes du Sud où le soleil se couche tôt, où les habitants se couchent tard. Il est rare de voir une fenêtre éclairée, des persiennes ouvertes. Tous les gens sont dehors, et j’aime ce mélange des âges. On n’est pas trop jeune pour et on n’est pas trop vieux pour, on n’est, tout simplement. Les rues sont remplies d'adolescents aux coupes de cheveux étudiées, qui débarquent fraichement de leurs Vespas. Les bars sont pleins de quinquagénaires qui se servent des verres de vin rouge. Des petites mamies bien mises, avec leurs robes à fleurs, leurs beaux sacs en cuir et leur mise-en-plie traversent les foules. On ne se cache pas de vieillir et ainsi, chacun est à sa place.

Je passerai trois jours à déambuler dans cette ville, juste à parcourir ses rues, entrer dans les magasins, dans les Eglises, dans la Naples souterraine, en cherchant les fontaines et en m’asseyant à l’ombre des statues, en m'arrêtant dans les trattorias et en discutant avec les passants, tous si fiers de me vanter les charmes de leurs villes qu'ils aiment tant.

Voir Naples et revenir.

bottom of page